Une fois n'est pas coutume : les deux pipes dans cet article proviennent de ma collection personnelle. Je les ai réunies ici pour leur forme caractéristique. La squat bulldog (1) est en effet une forme que j'affectionne particulièrement. Ajoutez à cela un gainage peu courant et les conditions pour vous être présentées étaient réunies.

Je ne m'étendrai pas plus longtemps sur les avantages esthétiques de cette forme classique, ni sur la petite contenance de leur foyer qui me convient parfaitement. Bien qu'ayant toujours prétendu qu'un tuyau saddle bit se mariait mieux avec cette forme à tête écrasée, j'aime leur allure.

Leur charme réside essentiellement dans le cuir qui les enveloppe. Vous avez sans doute reconnu sur la brune une véritable peau de crocodile. Notez dans l'illustration les points minuscules qui marquent l'attache de l'écaille osseuse. Mais votre sagacité n'est pas partagée par les personnes qui fréquentent habituellement le fameux site d'enchères en ligne. Tout le monde n'y a vu que du feu : une pipe gainée cuir de plus, dans un bon état de conservation, certes, mais personne n'a apparemment apprécié le caractère exceptionnel de l'habillage. L'aubaine !

Quant à la noire, cela fait bien trois années que je la fume avec grande satisfaction. Au contraire du crocodile dont le cuir reste relativement dur au toucher, celle-ci est vêtue d'une peau très tendre dont j'ignore totalement l'origine.

Cela ne ressemble à rien de ce que j'ai vu sur le dos des pipes gainées. Le cuir s'est légèrement rétracté par endroit mais les coutures restent solides.

A l'évidence ce n'est pas du porc, encore moins du lézard ou de l'autruche, la vachette me semble exclue. Ayant connu les shorts cyclistes garnis de daim, aux endroits sensibles, je peux affirmer qu'il ne s'agit pas non plus de ce cervidé. De l'agneau, de la gazelle peut être ? Inutile de vous dire qu'au plaisir de l'allumer vient chaque fois s'ajouter celui de la tenir, de la palper, de la caresser.

Sachez simplement que chaque fois qu'une pipe Squat Bulldog de la marque Longchamp sera mise aux enchères, vous me trouverez sur votre chemin.

Cette semaine a encore été celle de tous les atermoiements pour ceux qui sont sensibles à la conservation du patrimoine scientifique : un squelette de mammouth à vendre aux enchères chez Christies à Paris !

Mais ce n'est pas tout : on proposait aussi un poisson-ange dont les paléontologues ne savent vraiment pas grand chose.

Des bagues d'ivoire de mammouth sur les pipes jusqu'aux ventes aux enchères de matériel scientifique, tout cela procède au fond de la même chose. 

Bon enfant, on laisse passer - pour ne pas dire encourager benoîtement - les bagues d'ivoire, et toc : on récolte la vente au plus offrant de ce poisson-ange : quelle banalisation ! Et quel amalgame aussi, puisqu'on compare les fossiles mis en vente à des "oeuvres d'art" . On croit rêver. Pour l''acheteur c'est merveilleux : il peut donc se dire en toute bonne conscience qu'il a acquis honnêtement une oeuvre plutôt que d'avoir volé un sujet d'etude.
A ce rythme là, à ce degré de perversité d'un système, les musées ne peuvent plus suivre, c'est sur.

Refuser l'ivoire de mammouth sur les pipes c'est se montrer solidaire de la lutte contre ces dérives, camarades !

La forme de pipe communément appelée "Prince" se caractérise par une tête très ronde, quasiment une sphère. Même si Dunhill n'a pas inventé cette silhouette très facilement reconnaissable, c'est néanmoins la marque londonienne qui lui a définitivement donné ce nom.

Il faut remonter dans les années 1930 pour expliquer cette appellation. Le Prince de Galles qui allait devenir pour quelques mois seulement (1936) le roi Edward VIII, était un amateur de pipe et de bons tabacs.

Il fréquentait assidûment le 48 Jermyn Street à Londres, la Mecque de la pipe, autant pour y acquérir ses pipes que pour s'y pourvoir en tabac. Il y a d'ailleurs emmené le Duc d'York des que celui-ci était en age de fumer une pipe. Ces bonnes habitudes se sont hélas quelque peu perdues, même dans les meilleures familles semble-t-il.

Pour faire court, notre Prince de Galles était un sacré client qui était allé jusqu'à donner en 1921 les honneurs d'une "Royal Warant" à la marque Dunhill et en particulier à ses tabacs. La collusion entre Dunhill et les Windsor valait bien qu'on dédie une forme de pipe - la Prince - à celui qui abdiqua du trône en décembre 1936 pour les beaux yeux de sa belle. Le nom est resté depuis.

J'ai rassemblé dans cet article quelques pipes gainées de cuir qui sont des "Prince" de diverses marques. A tout seigneur, tout honneur, j'aurais bien voulu commencer cette revue par une anglaise. Malheureusement, je n'ai rien trouvé dans mes cartons pour faire justice à nos amis outre-Manche. J'espère qu'ils ne m'en tiendront pas rigueur.

Commençons par une belge

Pipe n°1 : Hilson

Puis une américaine

Pipe n°2 : Ivan Ries & Co

Pour finir quatre marques françaises :

Pipe n°3 : L'Aiglon

Pipe n°4 : Neptune

Pipe n° 5 : Longchamp

Pipe n° 6 : Ropp

On remarquera que le tuyau des "Prince" peut être droit ou légèrement courbe. Mais dans tous les cas ce sont des pipes équilibrées qui ont l'avantage de se lover merveilleusement dans la paume de la main.

Voir aussi : Charlotte #1

En feuilletant cette rubrique consacrée aux pipes Cavalier on s'aperçoit de l'incroyable dynamisme de la pipe italienne aujourd'hui. Dans ce foisonnement il n'est pas étonnant que les pipes transalpines qui appartiennent à ce genre quelque peu marginal soient particulièrement bien représentées. Il n'y a qu'à cliquer sur l'icône ci-contre pour s'en rendre compte.

L'âge d'or de la pipe française étant révolu, il n'est peut être pas complètement inutile de se pencher sur la question de savoir si de ce coté-ci des Alpes les pipiers montraient la même énergie à réaliser ces pipes atypiques. Dans cette quête, force est de constater que la pipe Cavalier n'a pas particulièrement été prisée au pays d'Asterix. Et cela n'a pas tellement changé. Mais je tiens néanmoins à montrer qu'elle n'est pas complètement absente.

Dans un autre article je mentionne déjà la marque Sommer pour un modèle tout à fait honorable. Tout comme Sommer, Gardhill est aussi une marque disparue du paysage pipier français. J. Vincent, l'artisan qui en était le protagoniste, a réalisé cette pipe Cavalier très classique : le bouchon en corne était devenu une quasi obligation et ce n'est pas la petite bague en laiton qui lui confère un surcroît d'originalité.

Lorsque la pipe Cavalier ci-dessous a été réalisée (avec un bouchon en corne...), Jeantet était encore une maison autonome, une des plus ancienne dans l'histoire de la fabrication des pipes (1). Je l'ai acquise moins sur un coup de foudre que par curiosité pour essayer une pipe de la période familiale (family era) de cette marque. Elle n'avait jamais vue un gramme de tabac. A sa sortie d'usine, elle s'était endormie au fond d'un tiroir durant plusieurs dizaines d'années avant de regagner ma collection.

Certes, il ne s'agit pas d'une pipe au veinage exceptionnel, mais après inspection méticuleuse j'ai pu constater qu'elle ne montre aucun défaut, pas de masticage, bien sûr, pas de sandpits.

Au fumage elle s'avère posséder de très bonnes caractéristiques, elle a été percée avec attention, l'ajustement du floc est fait dans les règles de l'art, bref, j'ai été agréablement surpris par cette pipe fabriquée à la machine dont le rapport qualité/prix est excellent.

Comme en témoignent les deux modèles de cet article, la pipe Cavalier française est restée au stade des formes traditionnelles et elle n'a pas profité de l'inventivité dont font preuve les pipiers italiens ou japonais. Il n'y a plus aujourd'hui en France assez d'artisans qui s'adonnent à l'art de faire des pipes en Bruyère pour qu'on en voit émerger certains qui possèderaient à la fois assez d'expérience et de culot (!) pour oser.