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19 mai 2010 3 19 /05 /mai /2010 14:29

Il était un temps où les entreprises faisaient faire des pipes à leur nom pour les offrir à leurs clients. On devine facilement l'image désastreuse que produirait un tel geste aujourd'hui.

Mais cette pratique vouée aux gémonies n'empêche pas ces pipes mystérieuses de resurgir maintenant sur le marché de l'occasion. Leur valeur marchande est généralement dérisoire, leur qualité souvent discutable mais leur intérêt est tout ailleurs. Elles nous permettent d'entrer dans un nouveau monde pour découvrir des lieux ou des hommes inattendus.

Il suffit de remonter la piste en partant de ces minuscules inscriptions dont les pipes sont généralement estampillées.

Schiffsmakler Jürgensen
Flensburg

Cette estampille est pour le moins surprenante pour une pipe vendue au fin fond de l'Ohio (USA). Inutile d'ouvrir un atlas pour comprendre que Flensburg est un port allemand sur la mer Baltique.

Le lecteur aura bien compris aussi que "Jürgensen" est un nom de famille. Mais "Schiffsmakler" ? Même si vos années d'Allemand au Lycée sont un peu éloignées, un bon dictionnaire vous donnera la solution : Courtier maritime.

Vous avez maintenant deux directions pour continuer votre recherche. Soit vous tentez d'en savoir plus sur ce métier dont vous ignorez tout, soit vous essayez de retrouver mention d'un courtier au nom de Jürgensen dans la région de Flensburg.

Armé de votre moteur de recherche la seconde voie vous propose assez rapidement- surprise - un peintre.

Détail du tableau "Beim Schiffsmakler"
("Chez le courtier maritime").
Otto Heinrich Engel (1866 - 1949)
Cliquer sur l'image pour voir l'intégralité de l'œuvre

Le courtier Jürgensen était au début du XXème siècle un mécène très impliqué dans la "Künstlerkolonie" d'Ekensund (île dans le fjord de Flensburg), une communauté d'artistes dont Otto Heinrich Engel faisait partie. Les deux hommes étaient liés d'amitié. Ces regroupements d'artistes étaient assez répandus en Europe à la fin du XIXème et, en France, celui de Barbizon reste dans la mémoire de chacun.

Les peintres de la communauté d'artistes d'Ekensund.
Beaucoup de chapeaux et pas de pipes

Le dernier mot de cette incursion d'un siècle en arrière revient à la pipe elle-même. Il s'agit d'une facture à façon pour le courtier puisque les vagues qui décorent sa tête ont été ajoutées pour marquer indubitablement une référence à la mer.

Et vous vous posez sans doute la question de l'origine de cette pipe. La réponse se trouve sur son tuyau d'origine.

France

Un joli périple sur près d'un siècle : St Claude (France)- Flensburg (Allemagne) - Columbus, Ohio (USA)

Mais pour nous le voyage fut tout autre.

 

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9 avril 2010 5 09 /04 /avril /2010 09:02
  Pipes à couvercle

Dans toutes les religions, l'artiste qui devait représenter un personnage saint avait recours à un signe, toujours le même, pour distinguer ce qui est divin du vulgum pecus. Ce signe est l'aura.

La forme d'aura qui est de loin la plus usitée est un genre d'assiette plus ou moins dorée qui se situe à quelques centimètres derrière le crâne, au niveau de l'occiput.

L'aura bouddhiste, romaine, egyptienne et chretienne

De là à imaginer qu'un pipier particulièrement dévot, adorant la Bruyère par dessus tout, confère à sa pipe un saint statut, il n'y a qu'un pas. Et ce pas a été franchi allègrement.

Pipe Paronelli, vue de profil

Est ce par hasard que la marque qui a osé auréoler une tête de pipe soit transalpine ? L'italie n'est elle pas le pays qui abrite le minuscule et richissime Vatican ?

Paronelli a osé sanctifier l'essence, Erica Arborea, qui fait depuis bien plus d'un siècle la joie des fumeurs.

L'aura de la pipe Paronelli vue de dessus

Il y aurait bien d'autres explications plus prosaïques à ce dispositif :

On pourrait penser que l'appendice n'est autre qu'un pare-vent dont l'aérodynamisme aurait été substantiellement amélioré depuis les premiers essais de Dunhill.

Un guide pour le tasse braise ? C'est peu convaincant quand on sait que le tabac protège de la maladie de Parkinson (1). Les fumeurs de pipe sont donc exempts des tremblements des mains caractéristiques de ce terrible mal.

Dernière hypothèse : l'artisan était parti pour tailler une forme "chimney" (fourneau très haut à la manière d'une cheminée), puis il s'est ravisé. Au lieu de décapiter bêtement la tête pour en réduire la hauteur, il a conservé dans un moment de génie ce montage qui en fait une pipe à nulle autre pareille.

(1) L'analyse de toutes les études met en évidence une réduction du risque de maladie de Parkinson de 60% pour les fumeurs.

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23 janvier 2010 6 23 /01 /janvier /2010 17:19
  Index des pipes vêtues de cuir

Si le cuir est le matériau de prédilection dés lors qu'une pipe doive être gainée, il n'en reste pas moins que d'autres enveloppes ont été essayées. Les raisons qui amènent cette pratique, aujourd'hui largement décriée, peuvent être d'ordre marchande, esthétique, ou tout simplement loufoque. Mais la chose devient vraiment cocasse quand la même pratique se veut utilitaire.

Partant de la réputation tout à fait justifiée de la fragilité des pipes en écume de mer, des marchands qui ne voient pas plus loin que leur pipe ont eu l'idée de protéger la blanche écume des chocs. Une telle idée ne peut naître que dans le cerveau d'une personne plus soucieuse de ses ventes que du plaisir de son client à voir la pipe se colorer d'ambre avec le temps.

Pipe en liège reconstitué tapissée d'écume reconstiuée ou pipe en écume gainée de liège ...

Notre bonhomme a vu dans le liège l'occasion d'avancer plus d'un argument fallacieux pour persuader le vulgum pecus : un matériau "naturel" qui possède des propriétés antichocs avérées doublées de propriétés calorifuges tout aussi incontestables. Sans oublier bien sûr que son prix de revient ne pèse pas grand chose comparé à celui de la pipe. Une aubaine pour faire un coup.

Un peu plus d'indulgence s'impose sans doute pour la seconde pipe qui fait l'objet de ces lignes. Le foyer en écume est amovible et le liège devient ici le support dans lequel l'écume vient se loger. Il est une alternative à la courge évidée qui sert de corps aux vraies pipes Calabash.

Cette pipe est relativement peu attractive telle quelle. Son tuyau n'est d'ailleurs pas pour arranger les choses. C'est pour cette raison que j'aurais proposé à ce fabricant d'oser aller un peu plus loin dans sa démarche, d'ajouter à son engin un brin de folie pour taper dans une clientèle qui privilégie habituellement l'ostentatoire.

Une fois de plus je n'ai rien inventé. J'ai simplement transposé ce que d'autres pratiquent sans vergogne ... et non des moindres.

Peterson est le fournisseur exclusif de la HSIDFGW (High Society for the International Development of a Full Green World) le club canadien des fumeurs de pipe écologistes. D'ailleurs, il n'est de secret pour personne qu'un des animateurs quebecois du forum francophone "Le Tasse-Braise" fréquente assiduement ce cercle très fermé.

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18 novembre 2009 3 18 /11 /novembre /2009 12:19
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Série : Les pipes de poche

Remettons les pendules à l'heure. La fabrication de pipes ne relève pas uniquement du tour de main d'un artisan. Beaucoup ignorent qu'aujourdhui, elles tirent largement profit des technologies de pointe.

Directement issue des récents progrès en matière de construction de robots, certaines pipes de poche exploitent à l'instar des prothèses, les dernières innovations en matière de réalisation d'articulations complexes. Je parle bien sûr d'articulations qui sont du type azimutales (technologie radian+) et non des anciennes dites "polaire à angle thêta zéro modulé" (PATZM2).

Main de robot, main humaine

Trois vues des articulations de la pipe pliable

Les retombées de cette recherche dans le domaine pipier proviennent de l'emploi des nouveaux alliages metalliques hautement résistants (aluminium-zinc dopés au nickel mercerisé) ainsi que des dernières améliorations conceptuelles dues au génie informatique (kawa 3++ pour quadruple processeur centrino inside).

Efficacité incroyable, confort d'utilisation, longévité optimum, recherche de la fiabilité à chaque étape du processus de fabrication pour une qualité maximale, tel est le credo du fabricant de la "DR BROWN FOLDING PIPE".

Pipe pliée

Cette pipe de la génération hyperpliable est une merveille de précision grâce à une découpe ultra micrométrique au laser à rubis des pièces soumises à une rotation.

Pipe légèrement dépliée

Nous avons eu la chance d'obtenir en exclusivité une entrevue avec le Dr Brown, concepteur de cet objet révolutionnaire, et nous lui avons posé quelques questions osées. Extraits :

Pipephil : Qu'en est-il exactement de l'étanchéité des ces deux articulations ?

Dr Brown : I would qualify the construction/machining of the aluminum joints as extreme precision. Very snug and smooth fittings. That said, how airtight is relative and my guess is that under normal smoking conditions it should be adequately snug but under more extreme air pressure I imagine there would be some air loss.

Trad : Je qualifierais de très haute précision la construction/l'usinage des joints en aluminium. Des assemblages ajustés et doux. Ceci dit, l'étanchéité est relative et je pense que pour des conditions normales de fumage l'adaptation serait adéquate mais sous des conditions de pression extrêmes, j'imagine qu'il y aurait quelques pertes.

Pipephil : Tout cela n'est-il peut être pas un peu trop exagéré, trop sophistiqué ?

Dr Brown : It is incredibly well engineered and indeed ... perhaps even over-engineered relative to the problem of space saving that it is meant to solve- that it what makes it so fascinating to me.

Trad : Elle est incroyablement bien réalisée et en effet ... peut être d'une facture surdimensionné comparé à la question de l'encombrement qu'elle est supposée résoudre - C'est ce qui la rend tellement fascinante pour moi.

Vue globale de la pipe prête à être fumée

J'allais oublier de préciser un détail : la tête de la pipe est en Bruyère (technologie "Bruyère Véritable")

Nomenclature   Dimensions   Valeur
         
DR. BROWN'S FOLDING PIPE PAT. PEND.
(sous la pipe)
  Long : 14,6 cm
  42.00 US$
28,30 €
(Estate)

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5 novembre 2009 4 05 /11 /novembre /2009 00:54
  Index des pipes vêtues de cuir

Il en est des pipes comme de certains autres objets qui ont cette mystérieuse faculté de vous inviter au voyage. Néanmoins, un tel appel demande votre coopération bienveillante, voire votre abandon, et ces quelques lignes sont là pour vous faciliter cette tâche.

Elle est d'origine espagnole, elle se nomme "Cordoban".

Cordoue l'andalouse, Cordoue la magnifique.

Un esprit simple ne verra dans ces images qu'une pipe dont la finition simule le gainage en peau d'alligator sur laquelle on aurait voulu mettre en valeur les coutures, habituelles sur les pipes gainées.

Savinelli avec sa série Alligator, s'est essayé à ce jeu d'imitation avec, il faut bien en convenir, une réussite discutable. La Cordoban s'en tire bien mieux, et de beaucoup. D'un point de vue purement technique je ne connais pas de pipes dont la finition reproduit avec autant de réalisme et d'économie de moyens la peau du reptile

Croire que l'auteur de cette pipe aurait représenté les coutures d'un gainage est une idée qui ne tient pas une seconde. Il suffit de survoler ce chapitre des pipes gainées  pour constater que le fil ne se présente jamais comme des entrelacs. En revanche, je vous renvoie aux passementeries de "l'habits de lumière" (traje de luces) du torero ou à la riche décoration des costumes andalous pour vous convaincre de l'intention réelle de ce pipier.

Les yeux mis clos vous commencez à décoller. Espagne, chaleur, odeurs ...


By Christian Lacroix

Notre artisan a pris les mêmes traces que les plus grands couturiers français en décorant sa pipe d'arabesques.

Le mot est lâché.

Comment ne pas évoquer Cordoue sans souligner la plus belle influence Maure en Europe ? On ne peut pas oublier que cette ville a été sans conteste et pendant plus de deux siècles (850-1050 environ) la capitale culturelle de l'occident, que cela a été possible parce que les trois religions du Livre y vivaient non seulement en bonne entente, mais s'enrichissaient mutuellement, et en collaborant, ont fait faire un bond historique aux sciences (Physique, Mathématiques, Astronomie, Médecine), aux arts (Architecture) et à la philosophie. La main dans la main, ils y ont créé ce qui était à l'époque la plus importante bibliothèque de l'univers (~ 400 000 volumes). Cette ouverture d'esprit a permis au grand Averroès (Abu'l-Walid Muhammad Ibn Ruchd) de sortir Aristote de l'oubli ainsi qu'à plaider pour un Islam moderne réceptif à des valeurs universelles. Qu'on en prenne de la graine.

Vêtu de votre tout nouvel habit de soie que Samuel vous a vendu pour cinq pièces d'or la semaine dernière, vous déambulez à travers le patio. Le jasmin et la myrte embaument, les pinsons s'ébattent dans la fontaine au centre du jardin. Votre esprit est encore entièrement plongé dans "Commentaires sur la Métaphysique" d'al-Farâbi dont votre favorite Zahra vient de vous lire quelques passages. La chaleur de ce printemps 978 (au calendrier chrétien) vous rappelle brutalement à l'ordre. Le désir de se prélasser aux bains s'impose inéluctablement.

La mosquée de Cordoue

Revenons à notre pipe : Cordoue est indissociable du travail du cuir. Là aussi ce sont les Maures qui ont amenés avec eux un savoir faire et des techniques ancestrales au Maghreb, en particulier celle dont on parle constamment dans ce chapitre et qui consiste à recouvrir une sculpture en bois de cuir et de le colorer ou le dorer (Guadamacile, un nom d'origine arabe).

Ce massage vous a vraiment détendu. Vous réajustez votre turban et d'un pas décidé vous remontez la ruelle des tisserands bordée d'un nombre incalculable d'échoppes : lourdes tentures, tapisseries, et somptueux brocarts décorés aux fils d'or. En passant devant les papetiers (kaggàd) et les relieurs, vous saluez sans vous arrêter al-Idrisi car votre estomac grogne. Vous ne vous attardez pas sur le marché aux esclaves, car déjà de douces effluves chatouillent vos narines. Enfin, vous déboulez sur la placette ou les traiteurs jouxtent les rôtisseurs (sawwà) et les marchands de poisson frit (kallà), et là bas, les vendeurs de beignets (saffad), de gâteaux au fromage (muggabanàt) ou au miel... Réveillez vous dooooucement.

Apres ce voyage dans le temps et dans l'espace, une dernière petite précision s'impose. Puisqu'il est largement question d'artisans dans ces colonnes il n'est peut être pas inutile de préciser que le mot français "cordonnier" puise son origine dans le nom de cette ville majeure en Europe : Cordoue.

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30 octobre 2009 5 30 /10 /octobre /2009 23:03

La facilité d'accès au marché d'occasion grâce aux sites d'enchères en ligne a amené nombre d'amateurs de pipes aux joies de la restauration. Cette même facilité a conduit certains pipiers professionnels à consacrer davantage de temps à la retape.

Ces derniers possèdent le matériel adapté pour des interventions que l'amateur n'est pas toujours capable de réaliser dans de bonnes conditions, ou celles qui demandent un savoir faire au delà de la portée du bon bricoleur.  Ainsi, par exemple, tailler à la main un nouveau tuyau, élargir son perçage ou celui de la tige, baguer une pipe sont autant d'interventions qui demandent une main sure et sont autrement plus délicates que de courber un tuyau ou nettoyer un fourneau à l'alcool et au sel.

Riches de ce savoir faire, certains pipiers abusent.

La question de savoir jusqu'où peut aller une restauration pourrait être résolue en théorie assez facilement : il suffit d'informer exhaustivement l'acheteur (ou le commanditaire) des interventions pratiquées sur la pipe restaurée. Il n'en va pas toujours ainsi. Ce qui va suivre est le témoignage d'un abus qui, s'il ne porte pas vraiment à conséquence étant donné le peu de valeur de la pipe trafiquée, pèse néanmoins sur la confiance qu'on peu accorder au protagoniste.

Premier épisode : Ron Faeber, un vendeur bien connu sous le nom d'eStore4 (ebay USA) propose une pipe de la marque Marxman qu'on peut contempler sous tous les angles et en gros plan ici. Rien à dire : son travail de restauration s'est sagement limité à des aspects cosmétiques et hygiéniques. La pipe est achetée.

Deuxième épisode : Quelques mois ont passé, quand la pipes refait surface. Elle est proposée aux enchères par le vendeur twestpipe qui n'est autre que Tim West, connu pour la fabrication de pipes aux USA. Pour vous convaincre qu'il s'agit bien de la même pipe, il suffit de sélectionner quelques détails de la pipe et comparer les photos des deux vendeurs.

A gauche la photo d'eStore4, à droite celle de twestpipe

Et quand on contemple la pipe par l'autre face, cela donne ceci :

Trouvez la différence ! Il n'y a qu'une.

Pour une raison très mystérieuse le Tim West s'est benoitement appliqué à extirper la pastille d'origine pour la remplacer par un rond de bruyère qu'il estime d'un meilleur effet. Tel le "Jacky" qui customise sa voiture a gros renforts de jantes ou d'aileron stabilisateur, il semblerait qu'on puisse maintenant adapter une pipe Dunhill en choisissant dans un nuancier la couleur du fameux point en lieu et place de la pâleur blafarde originelle. Quel progrès !

Non content de cette chirurgie plastique très douteuse, notre réparateur ajoute dans son annonce :

The original stem is made from US stem maker American Tire & Rubber Vulcanite

Trad. : Le tuyau original provient du fabricant de tuyau American Tire & Rubber Vulcanite.

Gonflé non ?

N'allez pas croire que l'homme en reste là : pour finir, il ajoute dans toutes ses annonces que ses pipes ont été systématiquement repercées. Que l'élargissement des diamètres puisse être avantageux dans quelques cas est parfaitement concevable. Mais pourquoi en faire une habitude névrotique, voire une doctrine ?

Attention : un gars qui est capable de telles frasques sur une pipe de bas de gamme est sans nul doute prêt à redoubler de fantaisie sur une pipe de valeur.

 

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18 octobre 2009 7 18 /10 /octobre /2009 17:27

Les publicitaires, tous ceux qui décident et conçoivent affiches, clips, prospectus ou annonces, nous entubent.

Ils ont fait d'énormes progrès dans l'art de nous hypnotiser en jouant aujourd'hui avec tous les raffinements de la psychologie comportementale. Leurs pères ne disposaient pas de cette large et perverse panoplie d'outils à perfuser les cerveaux. Au milieu du XXème siècle on jouait beaucoup plus simplement avec la crédulité ou l'ignorance des honnêtes gens. C'est primitif mais ça marchait bien. A preuve cette affichette publicitaire destinée à promouvoir la pipe Jeantet.

Publicité tirée d'un magazine de 1948 (format  15 x 11 cm)

Le concept : associer la pipe Jeantet (véritable Bruyère) et des fleurs.

L'idée : la fleur sera celle de la Bruyère (c'est d'une logique affligeante de simplicité).

L'hypothèse : les gens sont cons et incultes.

Le choix : on mettra en scène la fleur de Bruyère que tout le monde connait : la Bruyère des landes, joliment mauve, celle qui est dans son pot sur le bacon en automne.

Bruyère callune (Calluna vulgaris Hull.)
aussi appelée Bruyère d'Europe

Et voilà, le tour est joué. Tout le monde reconnait les fleurs de bruyère dans cette pub, laquelle Bruyère est constitutive de la pipe qui se glisse entre les rameaux. L'amalgame est réussi et tout baigne.

Vous n'allez tout de même pas croire que le français moyen se pose la question de la manière à réaliser une pipe dans une plante qui pousse dans un pot, qui culmine au plus à 50cm du sol et dont les rameaux ont au mieux l'épaisseur d'un gros pouce. Ces veaux(1) ne sont pas du genre à se creuser les méninges sur quelque subtilité botanique. D'ailleurs toutes ces choses là c'est du latin, c'est bien trop rebutant.

En tant que veau fumeur de pipe, je me dois donc de souligner la différence entre Calluna vulgaris et Erica arborea. Cette derniere espèce se nomme également Bruyère et c'est l'arbuste méditerranéen dont on fait des pipes.

Ses fleurs sont superbes, non ?

(1) «Les Français sont des veaux» (Charles de Gaulle)

Biologie végétale : quelques autres articles de ce site citant des espèces d'arbres

Amourette (Snakewood)   Piratinera guianensis Aubl.   Amourette
Buis
(Boxwood)
  Buxus   Golden Contrast
Chêne
(Oak)
  Quercus robur   Non renouvelable
Cornouiller mâle
(Dogwood)
  Cornus mas   Cornouiller et Myrte
Palmier à sucre
(Toddy Palm)
  Borassus flabellifer   David Enrique
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20 septembre 2009 7 20 /09 /septembre /2009 18:11

Il s'agit d'une pipe qui brille par sa banalité. A priori rien ne retient l'oeil . Une forme courbe sans recherche particulière, une tête de contenance moyenne, une teinte plutôt sombre qui ne permet de ne distinguer aucune particularité du grain dans le bois.

Comme pour souligner son insignifiance, le marquage sur la tige se contente d'une estampille aussi anonyme que lapidaire : "3 Italy".

Et pourtant... Au moment où ces lignes sont publiées, cette pipe témoigne d'une controverse qui fait l'objet d'un recours à la Cour de justice des Communautés européennes.

Non contente d'incarner un procès international elle nous renvoie aussi au luxe et au goût de l'aventure (1) de la première moitié du XXème siècle, à des personnages de cette époque aussi importants qu'Agatha Christie, René Lalique, Mata-Hari, Guillaume Apollinaire, Marlène Dietrich, Serge Diaghilev, Jean Gabin, Graham Greene. Tous ces noms surgissent du bruit des roues sur les rails et les halètements de la locomotive de l'Orient Express.

Le trait d'union entre notre pipe et le train mythique se cache dans le logo du médaillon qui orne son tuyau.

NIOE : "Nostalgie Istanbul Orient Express"

Attention : ne confondons pas le "Nostalgie Istanbul Orient Express" (NIOE) avec le "Venice Simplon Orient Express" (VSOE). Tout l'objet du litige est là. Le second accuse le premier d'usurper l'appellation "Orient Express" et quand on compare les blasons qui représentent les deux trains, il faut bien avouer que la ressemblance est propre à la confusion.

A gauche les armes du NIOE, à droite celles du VSOE

Cliquer pour agrandir

La NIOE est née des efforts d'une entreprise Suisse (Intraflug AG ) à acquérir et restaurer dans leur état de l'époque les voitures de l'Orient Express originel. Le NIOE a commencé à circuler en 1979. En 1993 la Reisebüro Mittelthurgau repris l'affaire en complétant le train de voitures prestigieuses (2). Enfin en 2001 c'est la Transeurop Eisenbahn AG (Bâle) qui reprit l'affaire jusqu'a l'arrêt provisoire du train en 2008 (3) suite au procès intenté conjointement par la VSOE et la SNCF à la NIOE.

Le VSOE est né de la collaboration de James B. Sherwood (société Orient Express Hotels, Trains & Cruises) avec la British Pullman Company qui ont eux aussi retapé d'anciennes voitures de la Compagnie Internationale des Wagons Lits (CIWL). Le premier voyage du VSOE a eu lieu en 1982 et relie encore aujourd'hui Londres à Venise Via Paris et le tunnel du Simplon. Il pousse une fois par an son excursion jusqu'a Istambul. Visitez en 3D une cabine pour couple . Paris-Budapest-Bucharest-Istanbul en 6 jours : 6580 € (prix pour une personne, en cabine couple, aller simple). Glurps!

Puisque nous parlons bois dans ces colonnes, un coup d'oeil sur les marqueteries qui ornent la voiture restaurant du VSOE n'est pas sans intérêt.

Le fumeur de pipe dont la fortune personnelle lui laisserait envisager une escapade à Venise en charmante compagnie, doit savoir que la consommation de tabac est interdit à bord du VSOE.

Le seul et véritable Orient Express (4) est celui dans lequel vous pouviez contempler dans les années 20 les paysages des Balkans à 60 km/h en tirant sur votre Dunhill favorite.

(1)
1929 : L'Orient-Express fut bloqué par la neige en Turquie : les passagers durent chasser et manger des loups pour survivre. Le train aura cinq jours de retard : un record dans l'histoire du rail.
1892 : Le train est mis en quarantaine à cause d'une épidémie de choléra survenue à bord.
1891 : Le train est attaqué par des pillards. Butin de l'opéraiton 120.000 £ (incluant une rançon pour 5 otages).

(2) Actuellement le parc comprend 32 voitures d'époque de la Compagnie Internationale des Wagons Lits (CIWL). 13 voitures ont été adaptées à l'écartement des rails en Russie et circulaient jusqu'en octobre 2007 sur ce réseau. Voir les 7 premières voitures, les 6 suivantes et la locomotive + tandem

(3) les voitures sont actuellement entreposées dans un lieu non accessible du public.

(4) L’invasion de la France par Hitler met fin au service régulier de la ligne Londres-Istanbul. Après la Seconde Guerre mondiale, l’univers magique de l’Orient-Express s’effondre et les wagons sont éparpillés à travers l’Europe.

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27 juillet 2009 1 27 /07 /juillet /2009 16:33
  Index "Cavalier"

Il arrive que des fabricants de pipes fassent appel à des personnes réputées pour leur qualité de designer afin de concevoir une modèle ou une série exceptionnelle. Ainsi Butz Choquin a travaillé avec Joe Colombo ou avec Rolando Negoita et Kriswill a reçu les nobles services du prince Sigvard Bernadotte.

Mais l'inverse, c'est à dire un concepteur de pipes qui confie ses croquis à des artisans judicieusement choisis pour concrétiser ses idées, est beaucoup plus rare.

Ed Burak qui tenait jusqu'à l'hiver dernier (26 Février 2009) la célèbre civette new-yorkaise "Connoisseur" (1) était de ces hommes très avertis des choses de la pipe mais qui ne sont jamais passés derrière l'établi. Ses outils à lui se nommaient papier et crayon : il concevait.

On peut donc se poser la question des résultats de cette démarche originale dans le monde de la pipe alors qu'elle est banale dans bien des domaines (haute couture, orfèvrerie, mobilier ...).

Cette pipe Cavalier est un exemple caractéristique de son imagination.

On peut chercher une ressemblance avec l'une des nombreuses pipes de cette forme sur ce site et réalisées par des pipiers des quatre coins du monde : en vain. S'inspirer d'une forme Calabash pour fabriquer une forme Cavalier est une aventure peu banale.

La pipe Cavalier qui serait peut être la plus voisine serait celle qui a fait l'objet d'un appel aux lecteurs pour identification dans le billet intitulé "Une bouteille à la mer". Du moins partagent-elles une courbure de la tige semblable, mais la comparaison s'arrête là.

Etrangement, Ed Burak a toujours essayé de garder secret le nom des ses artisans accoucheurs. On ne compte pas les fausses rumeurs, les colportages, les "on dit" erronés qui ont entouré la réalisation des pipes Connoisseur. Comme s'il voulait brouiller les pistes, Ed changeait d'hommes de main non seulement au fil des ans mais aussi en fonction du modèle à réaliser. Toujours est-il que Toni Pesante et Joe Cortegiano ont fait partie de l'équipe. Inutile de préciser que ces artisans réalisaient des pipes pour d'autres commanditaires ou à leur propre compte.

Joe Cortegiano, par exemple, travaillait aussi pour Wilke ou Barclay Rex, autres civettes réputées de New York. Quant aux pipes marquées de son nom, je vous laisse les évaluer par vous-même.... Dire qu'Ed Burak ne tenais pas à mélanger les torchons et les serviettes est surement un peu sévère. Mais Joe est l'exemple parfait du pipier qui pouvait faire des merveilles à condition de lui soumette des idées et de le conduire.

Les pipes Connoisseur possèdent deux caractéristiques remarquables et conservées tout au long de la production de cette marque : elles ne sont jamais teintes et elles ne sont jamais mastiquées.

Ce dernier point ne signifie nullement que les bois utilisés étaient exempts de défauts. On voit bien sur les clichés de ce billet les quelques irrégularités (sandpits) qui émaillent la tête de la pipe. Mais le créateur New Yorkais tenait à ce qu'elles ne soient pas cachées. Mis à part l'honnêteté intellectuelle de notre homme, cette posture me semble très appropriée quand on sait les taches minables que laisse le mastic avec les ans.

Les grains de beauté ou les taches de rousseur c'est un peu comme le sel dans la soupe : s'il y en a trop c'est immangeable, s'il n'y en a pas c'est fade.

Nomenclature   Dimensions   Valeur
         
Connoisseur
N.Y.C
E Burack (signature)
  Long : 19,7 cm
Ø int. foyer : 2,1 cm
  406.00 US $
285,90 €
(Estate)

(1) La marque "Connoisseur"a été empruntée par des firmes sises des deux cotés de l'Atlantique. Consultez "Pipes : Logos & Estampilles" pour reconnaître les Connoisseur(s)

Le site officiel de Ed Burak : http://connoisseurpipeshoponline.com/index.html

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24 juin 2009 3 24 /06 /juin /2009 15:09

Il n'est pas si rare de voir des artisans, désireux d'attribuer à leurs pipes une plus value, incruster dans le bois de Bruyère des pierres précieuses, semi-précieuses ou, plus simplement, des cailloux du Rhin. On serait alors en droit de se demander s'il est vraiment raisonnable de consteller un bois bien choisi de tels ajouts au risque de la surcharge. Les motifs de notre essence méditerranéenne sont dejà en soi une source d'admiration sans arrêt renouvelée et les paysages délicats dessinés par ses fibres sont bien suffisants pour nous enchanter. Cette pratique me semble donc difficilement compréhensible.

Il est cependant quelques cas pour les quels le recours aux pierreries sur les pipes en bois est parfaitement excusable. Lorsque la gemme fait sens, qu'elle s'intègre au point de se fondre dans l'objet, quand elle est là pour nous apporter une information plutôt qu'augmenter artificiellement la valeur marchande de la pipe, alors je veux bien jeter un oeil bienveillant sur ces pipes "enrichies".

 
   

Parmi les nombreuses candidates du monde minéral susceptibles d'orner une pipe, il y en a une pour qui j'ai un faible particulier : le rubis.

Sans doute est ce parce que sa couleur chaleureuse se marie à la perfection avec celle de la Bruyère. Sans compter que la pierre des Maharajas sait se faire bien plus discrète que le diamant qui inonde par ses éclats et fait pâlir tout ce qui le côtoie. Pour tout dire, le rubis est une des rares pierres précieuses qui ne met pas la beauté du bois au second rang, à condition, bien sur, d'en faire un usage pertinent.

Les trois exemples qui vont suivre n'ont d'autre ambition que de donner un aperçu de la juxtaposition du rubis et de la Bruyère. Les deux premières démarches (Dunhill et Amorelli) se ressemblent et associent le travail d'orfèvre à celui du pipier alors que le troisième rubis (Ser Jacopo) entre plus modestement dans une approche de l'ordre de la signalétique.

Rubis # 1 : Dunhill

L'oeil rouge du serpent (1) d'argent accentue son coté maléfique

Dans la finition "Dress" des pipes Dunhill, les motifs du bois ne sont plus visibles et la concurrence entre la beauté du bois et celle du rubis n'est plus de mise.

Voir les détails de cette pipe Dunhill ici.

Rubis # 2 : Amorelli. (L'oeil de l'Inca)

Le rubis est incrusté sur un masque de rapace en or qui couvre partiellement un visage humain. Là encore le rubis tient la place de l'oeil et il est accompagné de sept diamants disséminés un peu au hasard des plumes du volatile. On ne perdra pas de vue que Salvatore Amorelli possède une formation d'orfèvre. Cela peut expliquer cette propension à en remettre une couche.

Voir les détails de la pipe Amorelli ici.

Rubis # 3 : Ser Jacopo. (Della Gemma)

Dans ce cas il ne s'agit plus de souligner une décoration de la pipe mais de désigner une série bien spécifique à la marque, les pipes "Dalla Gemma". Emeraude, Grenat, Saphir et Rubis enchâssés sur le tuyau dans un chaton en or caractérisent cette ligne de pipe haut de gamme du pipier transalpin.

Voir les détails de la pipe Ser Jacopo ici.

En somme, les trois pipes dans ce billet s'en sortent plutôt bien. Leurs artisans ont su éviter (pour ces modèles, du moins) les pièges de l'association de deux matériaux nobles : les laisser se confronter mutuellement ou laisser l'un servir de faire-valoir à l'autre. Mais cela n'a pas toujours été le cas chez ... Amorelli.

(1) Apres le serpent en 2005, Dunhill a réalisé sur le même principe des yeux de rubis des pipes ornées d'un dragon (2006) et plus recemment d'un tigre.

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