On aura rarement vu une pipe Cavalier mieux mériter son nom que celle qui fait l'objet de ce billet. Comme on le sait, ces pipes ont la particularité de posséder un fourneau à cheval sur leur tige. Fourneau et tige étant taillés d'une pièce dans le même ébauchon, ces deux éléments restent immuablement dans la posture dans laquelle l'artisan les a figés. L'exception la voici :
L'entretien d'une pipe Cavalier peut s'avérer un peu moins aisé qu'une pipe ordinaire. Pour faciliter l'accès aux différentes parties de la pipe notre artisan a articulé le foyer à l'aide de ce que j'appellerais des étriers en laiton.

A l'instar du cavalier qui prend une position "en suspension" pour aider la bête à sauter l'obstacle, la tête de cette pipe sort de sa selle.
Le dispositif est tellement simple qu'on a du mal à croire que cela puisse donner lieu à un brevet.
Les brides métalliques sont vissées dans la Bruyère à la bonne franquette. Et quelles vis ! Elles ne cherchent pas à se dissimuler ou à s'intégrer par un métal assorti. On pourrait croire à première vue qu'elles ne sont pas d'origine et que celui qui les a remplacées a simplement pris ce qui lui tombait sous la main. Mais quand on considère le système de fixation de la tête on se rend compte qu'il est à l'avenant.
Après les vis, nous voilà avec un clou planté sauvagement dans le noble bois. Bruyère, Bruyère outragée ! Bruyère martyrisée ! Mais Bruyère libérée.
Je crois me souvenir de ma première rencontre avec ces crochets avec leur ergot caractéristique. Mon grand père les avait utilisés pour assurer la fermeture de ses clapiers à lapin. Ils ont refait surface dans ma vie, plus tard, sous une table à rallonge et servaient à bloquer les pièces amovibles. Je suis persuadé que vous les avez croisés tout comme moi en de maintes occasions. C'est dire que leur efficacité est à toute épreuve. Mais jamais, oh grand jamais, je n'aurais imaginé les rencontrer sur une pipe.
Le tuyau en corne avec un tenon fileté est assez caractéristique des techniques de montage du début du XXème siècle. Le seul indice qui pourrait éventuellement mettre sur la piste de l'atelier d'origine de dette pipe française demeure sibyllin : de modestes initiales "PD" dans un ovale.